Recommandation, cooptation : où sont les frontières ?

Le logiciel ATS Altays Recrutement comporte un dispositif permettant à un candidat de déclarer une « recommandation » en désignant une personne à laquelle le système va ensuite demander une validation et d’éventuels compléments d’information. C’est la version numérique d’un principe basique vieux comme le recrutement, visant à documenter la candidature et bénéficiant aux deux parties. Le candidat crédibilise sa proposition et le recruteur peut garantir et qualifier un peu plus son choix grâce à l’implication d’un tiers.

Cette fonctionnalité – bien que son champ ne soit pas restreint aux salariés de l’entreprise éditrice de l’offre – est utilisée souvent à des fins de « cooptation », un principe qui peut être opportunément utilisé dans la stratégie de recrutement de l’entreprise en faisant appel de manière plus ou moins incitative aux salariés et à leurs réseaux personnels. Les bénéfices attendus sont un élargissement du sourcing avec des candidatures d’emblée plutôt bien qualifiées ou des profils qui ne sont pas en recherche d’emploi ainsi que des économies sur la communication et le traitement des candidatures.
La tentation pour les entreprises de systématiser le recours à cette forme de prospection s’est développée avec la mise en place de programmes internes comme des challenges cooptation proposant des primes de type incentives. Des initiatives qui peuvent se révéler perturbantes voire contre-productives si l’on ne prend pas soin de respecter quelques principes.


Tout d’abord, qu’est-ce que la cooptation ?

Selon la définition du Larousse il s’agit de la « désignation d’un membre nouveau d’une assemblée, d’un corps constitué, etc., par les membres qui en font déjà partie. » Définie au sens large on peut parler de cooptation aussi à l’échelle des groupes sociaux. En gestion des ressources humaines, il s’agira donc plutôt de recruter des candidats sélectionnés après recommandation des salariés de l’entreprise.

Le risque d’entre-soi

Systématisée ou trop fortement encouragée la cooptation peut aller à l’encontre de la diversification des profils qui est une condition désormais avérée du dynamisme et de la créativité des entreprises. C’est un biais bien connu du fonctionnement des groupes constitués, on recommande plus facilement et plus ou moins consciemment un « pareil à soi » ou un « proche », nécessairement des individus que l’on connait et dont on sait qu’ils vont épouser les valeurs définies par ou pour le groupe. En fait, en les recommandant on valide une conformité aux standards de l’entreprise au détriment de profils plus diversifiés et du nouvel apport culturel que ceux-ci peuvent représenter.
Parades :
– Éviter d’utiliser la cooptation comme canal exclusif de recrutement ou même simplement majoritaire ;
– Veiller dans le processus de sélection lui-même à se prémunir d’une trop grande homogénéité dans les profils choisis (ce qui vaut bien sûr pour le recrutement en général) ;
– Donner des indications quant aux profils recherchés aux éventuels coopteurs* pour aller contre ce biais.
Cependant on peut penser que si le groupe constitué est déjà par lui-même « diversifié » ses recommandations seront logiquement de nature à faire croitre exponentiellement cette diversité…

Le risque de copinage

Attention ! La cooptation n’est pas le copinage. Cela semble évident, c’est caricatural, mais ce biais existe bel et bien et il faut absolument fixer des règles strictes pour s’en prémunir. Privilégier dans le processus de recrutement tel ou tel candidat au prétexte qu’il a été recommandé par un membre du « groupe », c’est se situer au-delà de la ligne rouge et cela peut se révéler mortifère pour l’entreprise (au moins pour sa marque employeur). Il faut donc adopter des règles strictes dans le processus de recrutement et s’y conformer.
Règles :
– Le coopteur ne doit pas être lui-même un acteur du processus de recrutement. Ou s’il l’est par sa fonction, il devra savoir s’effacer ;
– Les recruteurs doivent rester imperméables à toute forme de pression du coopteur (même hiérarchique) ;
– Les étapes, le calendrier, le déroulement des entretiens, le traitement de la candidature doivent être strictement identiques pour les potentiels cooptés et pour les autres candidats ;
– Dans les règles fixées autour de la recommandation il faut bien préciser aux salariés que ce sont les qualités professionnelles et humaines objectives du candidat qui doivent prévaloir et non pas seulement la relation de proximité ou pire encore, la relation familiale 😉 !

On ne souhaite pas au fond être bousculé par l’intrusion d’un impétrant dont on sait qu’il pourrait faire bouger les lignes, représenter un facteur risque pour votre « confort » personnel, voire prendre votre place

Le risque de moyennisation

Autre biais inhérent à la cooptation, on peut envisager qu’un salarié – encore une fois, plus ou moins consciemment – ne recommandera pas un candidat dont il connait les qualités mais qu’il jugera potentiellement « perturbant » pour sa propre position dans l’entreprise. C’est logique et naturel, on ne souhaite pas au fond être bousculé par l’intrusion d’un impétrant dont on sait qu’il pourrait « bouger » les méthodes de travail, représenter un facteur risque pour votre « confort » personnel, voire prendre votre place 😉. Il peut en résulter une accumulation de profils « neutres », non disruptifs, peu qualifiés pour faire évoluer la culture et les pratiques de l’entreprise.
Parades :
– Encore une fois ne pas utiliser la cooptation comme méthode principale ;
– Rappeler les objectifs qualitatifs des recrutements et remettre les choses dans la perspective de l’intérêt de l’entreprise.

Le risque de compétition interne

La mise en place de dispositions de type « récompenses » pour les salariés dans le domaine de la cooptation peut déstabiliser vos équipes si c’est l’aspect « compétition » qui prend le dessus. Vos collaborateurs peuvent se révéler comme des compétiteurs acharnés au détriment d’une ambiance tournée vers l’intérêt collectif.
Parades :
-Rappeler régulièrement les véritables enjeux de l’opération ;
-Privilégier l’aspect simplement ludique de l’opération, dédramatiser les éventuelles rivalités.

Le risque de déception du coopteur

La non-sélection d’un candidat recommandé peut être un facteur de déception pour le coopteur qui peut être tenté de voir de la défiance par rapport à son jugement surtout si cela se reproduit plusieurs fois. Il peut également se figurer que son image est dégradée par rapport à la personne qu’il a recommandée. Un salarié peut ainsi se braquer plus ou moins sérieusement.
Parades :
– Bien repréciser la règle « la recommandation ne vaut pas obligatoirement recrutement » ;
– Demander aux coopteurs de ne pas « promettre » plus que ce qui peut l’être au candidat recommandé. C’est-à-dire le parcours d’une candidature lambda simplement augmentée d’un témoignage positif d’une personne reconnue dans l’entreprise.

Le bon programme de cooptation

Il est normal de parler autour de soi d’une offre effective dans l’entreprise où l’on travaille. Même si vous ne faites rien, il existe donc une « cooptation » naturelle. Informer simplement en interne des offres publiées en externe est le minimum que vous puissiez faire et en toute logique si votre entreprise est attractive il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas.
Mais si vos objectifs dans ce domaine sont plus ambitieux vous allez souhaiter utiliser vos collaborateurs comme de véritables relais de recrutement en les impliquant dans la recherche de profils en mettant en place une opération incitative.

Tout est bien sûr fonction de la taille de l’entreprise, de l’importance stratégique du recrutement, des budgets alloués, etc. mais on peut risquer quelques conseils :

– Ne pas objectiver une part trop importante de cooptation dans les recrutements;
– Donner une dimension plus ludique que compétitive;
– Privilégier les « primes » sous forme de cadeaux plutôt que de rémunération ;
– Rédiger un guide définissant les règles du jeu, les bonnes pratiques et rappelant les mises en garde (bien sensibiliser sur le fait que recommander une personne est un acte qui engage) ;
– Avoir un suivi statistique sur la durée (pouvoir comparer les carrières des cooptés et celles des autres recrutements) pour évaluer le retour sur investissement. A cette fin, disposer d’un logiciel de recrutement intégré à un système de gestion des Ressources humaines complet comme le SIRH Altays facilitera ce traçage.

En conclusion

Selon l’APEC, 44 % des entreprises ont utilisé la cooptation pour recruter des cadres en 2020. Les leviers qui peuvent permettre aux recruteurs de manipuler la part de la cooptation dans le « mix » de recrutement existent mais restent principalement tributaires d’autres facteurs. Inutile de miser gros sur la cooptation si votre entreprise n’est pas attractive !


*Coopteur ou cooptateur, les avis sont partagés 😉

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